An deiner seite [...] [free]

Sous un soleil un peu trop gris.




-Il pleut.
-C’est des larmes, Tom.

Des larmes. Peut-être. Il n’y avait pas pensé. Des larmes.
Il passa sa main sur ses joues humides et regarda le ciel gris qui ne le serait jamais autant que son cœur. Il ne voyait plus rien dans les nuages. Autrefois il y avait vu des visages, des notes de musique, des lapins, des sourires, il y avait même parfois vu ses rêves qui passaient comme des étoiles filantes. Maintenant il ne voyait plus que du vide.
Tant pis.
Bill ne bougeait pas. Il devait avoir les yeux humides lui aussi, mais c’était peut-être la pluie. Il aurait voulu tendre la main à Tom, mais il ne pouvait plus. Pourtant son frère n’était pas encore trop loin –bientôt il le serait- mais il n’en avait plus le courage. Bill était lâche, et quand il se regardait dans son miroir, quand il se regardait dans Tom, il n’avait plus le courage de lever les yeux.
Rien n’arrivait à combler le silence qui s’était maintenant installé entre les deux frères, ni les moteurs des voitures qui passaient sur le périph’ à fond, ni le cri des pigeons, ni les feuilles qui pourtant hurlaient dans le vent. Mais Bill n’aimait pas le silence. Et qu’il se soit installé confortablement entre eux le mettait mal à l’aise.

- Arrête de te voiler la face et essuie-les, bordel.

Bien sûr, Tom ne les essuya pas, ses larmes, ou la pluie, peu importe, il ne les essuya pas. Il resta les yeux dans le ciel, espérant qu’un nuage voudrait bien l’emmener.
Et Bill avait presque peur de son frère, inerte, inexpressif, et du mutisme qu’il ne voulait toujours pas briser. Ses doigts se crispaient et son cœur battait la chamade.
Il avait peur, ouais.
Peur de son propre frère.
Peur de sa propre personne.

-Si j’les laisse pas couler, j’te les cracherai à la gueule, choisi.
-Laisse-les alors.
-C’est bien c’que j’pensais.

Tom et Bill s’étaient déchiré à coup de notes de musique, Tom allait s’achever avec les cordes de sa guitare et Bill avec le câble de son micro. Ils étaient nés avec la musique, ils crèveraient avec, ils étaient nés ensemble, ils crèveraient ensemble, et ils savaient qu’ils n’avaient plus le choix –et d’ailleurs, ils ne l’avaient jamais eu.
Mais tout avait dégénéré un beau jour d’été, le ciel était bleu, les oiseaux chantaient, la musique résonnait, les gens souriaient, le Bonheur s’infiltrait dans les coins les plus sombres de leur cœur, et Tom avait trouvé sa copine nue avec son frère dans son propre lit.
Il savait qu’ils se ressemblaient, mais enfin, à ce point…
Oui, c’était sûrement ce jour-là, et les suivants ou Bill avait essayé de cacher sa honte derrière un masque subtil d’insolence et d’orgueil.

Et peu importe la pluie et les larmes, peu importe tout ce qu’ils s’étaient dit et tout ce qu’ils s’étaient caché, le mal était fait et depuis il était toujours là.
Je ne sais pas comment leur histoire s’est terminée. Je les ai laissés là, Tom attendant les nuages et Bill refoulant sa lâcheté. Je n’avais aucune envie de les voir s’achever devant mes yeux –car j’étais sûre que ce serait pour ce soir. De toute façon, j’avais presque disparu de leur cœur. Dans quelques instants je n’y serais plus du tout.
Et puis, l’Amour est beaucoup demandé. Il n'y a plus que deux phrases que j'ai réussi à entendre avant de m'éloigner.

-Tu pleures.
-C’est la pluie, Tom.